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16 avril 2014 3 16 /04 /avril /2014 22:47

Avril ! Le jappement nerveux des avocettes mele a celui de gravelots niches dans le gravier, m invitant a me reveiller invariablement a l aurore, me lasserent vite et ma patience arrivait a terme...

 

En taverne, le manque de convivialite des vilains me pesait et la lecture exacerbait ma langueur. Je posais le livre de poesies du devoye Villon en revant d aller voir plus loin que Brignolles, ennuyeuse villegiature ! ou mon hermine j avais brise sur la branche d un venerable olivier mais comme je n etais pas une mauviette, et que j avais su gouverner un navire, et que sans vouloir me vanter je m etais meme montree brillantissime pilote : vaillante dans les voiles, capable d eviter les brisants, et j en passe, qu en face de vils brigands, meme sans de blancs arguments, je saurais aussi faire preuve de vigilance et s il le fallait , de bravoure et ne pas devenir leur victime.

 

Et le vendredi apres une derniere excursion dans une oliveraie et la decouverte dans une allee d un parterre de violettes aux effuves sensuelles et promesse d un plaisir sans doute plus qu olfactif, vibrante, je fis mes valises et decidais d une expedition en Provence et d un arret obligatoire a Aix, sa capitale.

 

Evidement, j arriverais bien, bien apres la bataille d Aquae Sextiae, des Ambrois extermines et l autothanasie des teutones, pauvrettes ! mais bien avant la Trinite quand seraient elus les chefs de fete et les officiers subalternes a l occasion de l extravagante procession de la Fete-Dieu du Lundi de Pentecote, puisque nous etions le 16 avril 1462 et que l exquis Roi Rene n avait pas encore envisage cet excentrique evenement, ou son imagination et sa fibre poetique sauraient marier profane, sacre, mythologie et medieval de vivante facon.

 

Ce jour-la, sous un fond de tintement de cloches, de musique militaire et traditionnelle ,

sa Majeste laisserait place au Roi de la Basoche, au Prince d Amour et a l Abbe de la Jeunesse et a quelques autres dignitaires conduits par d habiles batonniers porteurs de rubans et precedes d une ribambelle de figurants plus improbables les uns que les autres.

 

De la charitable Scheyna, Connetable de Provence, j avais obtenu un laisser-passer

m accordant la liberte de sillonner cette province d ocre et d azur pendant un mois, sejour trop court qui malheureusement ne me permettrait certainement pas d etre presente le jour du Passado ou vers midi, apres la messe a la cathedrale, le Prevot et les echevins nommeraient les Dieux de l Olympe.

 

Et si je n assisterais jamais a cette extrardinaire cavalcade et ne me divertirait de ce cortege , les Chevaliers de l ordre du Croissant, eux seraient de la fete, sur leurs destriers empanaches et ferres, portant casques et armures rutilantes frappees de cet embleme patissier cher au souverain Rene.

 

Ces messieurs ne manqueraient pas d apercevoir alors, s ils se retournaient, entre deux porte-torches, la blonde et bavarde Deesse aux cent voix, dans sa robe jaune, veritable lixus dont les elytres souffres luiraient. Ils ecouteraient et riraient sans doute des quolibets et brocardises lances par le peuple au passage du faux Duc Urbin, dans

l Histoire, fameux General d un certain age qui avait eu le tort de perdre une bataille contre le legendaire Roi Rene et avait eu l outrage de refuser sa fille en mariage. Et dans cette farce pieuse on ferait de lui un personnage grotesque, au manteau grenat et coiffe d un chapeau de paille ou pendraient de pretentieuses et ridicules breloques et rigolos galons or. Il chevaucherait un pietre equide aux cotes de son epouse, tous les deux, poursuivis par une tribu d excecrables marmots, braillant.

 

Peut-etre nos cavaliers se pencheraient-ils, intrigues par le resonnement des grelots du costume bariole du bouffon Momus et l apercevraient-ils balancer sa marrotte sur la foule, marchant en compagnie du Dieu Mercure, en cette circonstance, protecteur des crapules, qui de peur d etre reconnu, s abriterait de la cape bleue brodee d etoiles de la Nuit.

 

Et comme cette allegorique colonne serait d une extreme longueur, et qu ils seraient loin devant : 


ceux-ci ne pourraient pas admirer dans son chariot, l eblouissante diablesse se pavanant dans sa toilette a la mode, ni saliver a la vue des danses lascives des esclaves de la Reine de Saba, ni s emouvoir de Venus et l Amour tendrement enlaces, ni mourir d envie a la vue de la lance que tiendrait Minerve, de l arc et des fleches accroches a l epaule de Diane et de l epaisse mais pointue Epee de Salomon, ou se laisser meme impressionner par le trone de Jupiter et ni s etonner des caresses que prodiguerait Junon a son Paon.

 

Ils ne verraient pas non plus le char champetre et vert tilleul des nymphes et des satyres, Pan, flute au levres, leur emboitant le pas. Ni voir celui, orne de voiles aigue-marine de Neptune, et  sa main manicuree et armee du redoutable trident. Celui-ci soufflant comme un damne.

 

Avec regret, sans doute, ils ne partageraient pas les debordements de Bacchus qui malgre un habit menthe a l eau, dans sa charrette , a califourchon, sur une barrique de vin, instable et bourre, porterait a sa bouche le goulot d une bouteille, tandis que des faunes soiffards d une tenue vert absinthe vetus, tenteraient de lui enlever la coupe pleine a rabord qu il aurait a la main.

 

Ils n auraient pas le plaisir non plus de s egayer des ecuyers maladroits aux exercices casse-gueules sur leur chevaux de carton

 

Mais dieu-merci, ils se passeraient des tables de legislation du devot Moise et des explications donnees par le raseur Aaron sur la loi divine et echapperaient au discordant et infernal charivari, qui annoncerait le sombre Pluton, les lepreux de l Ecriture et leur materiel de coiffure ainsi que les immondes demons.

 

Ils n auraient pas a craindre non plus les foudres d un Herode massacreur et

n entendraient point les cris des Innocents. Car ni les mages, ni les Apotres, et ni les Evangelistes qui suivraient ne sauraient empecher les trois Parques de decouper la vie des mortels en heures et la Faucheuse de leur supprimer.

 

En revanche, ils rateraient les trois personnages phare de cette incroyable mais Sainte Journee qui sur un pied d egalite, cote a cote, mais a cheval sur un etalon de meme race et de meme taille : un palefroi a la robe pie, fermeraient cette marche.

 

J aurais bien adresse un bristol a l ex Capitaine Kris, pour le prevenir de mon depart , et

l inviter a me suivre, mais le souvenir de son corps emmaillote sans vie dans mon linge de lin tisse me revint, je palis … dorenavant, je devrais me priver de sa presence et seul son esprit m accompagnerait

 

Mais deja j arrivais dans la Capitale et le spectacle d une bohemienne tirant sur deux baudets recalcitrants capterent mon regard : les motifs aux coloris jaunes vifs de sa robe, son bonnet de plumes et son chale safran volant au vent, qu on imaginait des ailes, ne manquaient point d allure. Cette diseuse de bonne aventure devancee par un Soleil, sampadophore aurait fait un beau sujet d aquarelle et une magnifique Renommee.

 

Mais ce fut surtout les longues oreilles de ses anes qui m impressionnerent et je m interrogeais :

Quels exceptionnnels secrets, cette Pheme avait-elle a leur divulguer pour que ceux-ci soient pourvus de tels attributs auditifs ? En reponse, je n obtins que braiements et je passais mon chemin.

 

Salie par l epaisse poussiere des sentiers et extenuee, les thermes, je cherchais. Un vieil habitant peu locace et d evidence sourd plus que malveillant m indiqua le ruisseau de Malvallat a la place des etuves. Le maudissant, je me lavais tout de meme dans ces eaux de ru trop fraiches mais claires puis grelottante, me sechais et rhabillee , la ville m en retournais explorer.

 

Au marche, outre des agrumes, deux grosses gousses d ail j achetais a un maraicher et les glissais a ma ceinture, mefiante, car ayant eu ouie dire de risque d epidemie de peste dans la region et faute de ne pouvoir me procurer de ce Vinaigre des Quatre Voleurs, dont on ignorait encore dans le codex la recette et moins encore les ingredients, je me contentais de ce remede.

 

Puis comme la Lune, gabier, grimpait au voilage des lugubres Tenebres, je foncais

a une auberge. Et telle une marmotte je m endormis lourdement.

 

De courte duree fut mon sommeil : hotel borgne que cet etablissement et dans son couloir, defile interminable et indecent : mes voisines de chambres, dames de petite vertu et immorales recevaient de vaillants et besogneux visiteurs a la bourse bien remplie.

Je m evertuais a me rendormir sous les soupirs hypocrites de ces dames sans remords et les rales que ces messieurs bientôt desargentes poussaient que deja l Aube, matinale pointait sa lumiere pale sur la commode : Un pli de Keyssiba de Brigantes, douaniere ,m etait adresse dans lequel elle m apprenait qu il me fallait rejoindre au plus tot Toulon et La Teles et liberer les quais.

 

Aux ordres, fis claquer mes sabots, pliais bagage, et deguerpis.

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